Contre le «fichage ADN», le front du refus s'organise. Ils sont faucheurs volontaires, manifestants anti-CPE du printemps dernier, déboulonneurs de publicité pris en flagrant délit, ou simples citoyens placés en garde à vue puis relâchés sans qu'aucune poursuite ne soit engagée contre eux. Tous risquent un an de prison ferme et 15 000 euros d'amende. Leur délit ? Avoir refusé qu'un représentant de l'ordre leur badigeonne les gencives avec un bâtonnet destiné à recueillir leur empreinte génétique.
Pipe à eau. Camille a été convoquée, mi-septembre, par les gendarmes parce qu'ils avaient trouvé, dans la voiture où elle se tenait, une pipe à eau, pourtant sans trace de drogue. Quand ils cherchent à prélever son ADN, elle s'y oppose : «Ils ont appelé le procureur, puis m'ont donné ma convocation pour le tribunal, le 13 décembre à Macon.» En sortant de la gendarmerie, elle, qui ne fait l'objet d'aucune autre poursuite, se dit : «Je me suis mise dans la merde.» Elle a voulu s'informer sur l'Internet, et découvre ainsi «qu'il se passe quelque chose» autour des opposants au fichage génétique.
Un front du refus s'est constitué cet été, sous l'impulsion de Benjamin Deceuninck, ex-faucheur d'OGM de 26 ans, convoqué le 25 août devant le tribunal correctionnel d'Alès pour avoir dit non, lui aussi, au bâtonnet dans la bouche ( Libération du 26 août). Près de deux cents personnes étaient venues le soutenir. La procureure a requis 500 euros d'amende, en vertu de la loi du 19 mars 2003, sur la sécurité intérieure. Cette «loi Sarkozy» a considérablement étendu le champ des infractions concernées par le fichage génétique. Au point que le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) contient à ce jour 300 000 profils génétiques. Le 29 septembre, Benjamin est condamné à 500 euros d'amende. Il fait appel et relance la mobilisation. Il a peu de temps, car la cour d'appel de Nîmes a été étonnamment rapide, fixant le nouveau procès au 28 novembre. Le jeune militant crée un site Internet (1) pour détailler ses arguments et informer sur les autres procès ainsi celui du faucheur volontaire, Bernard Coquelle, contre qui le procureur de Douai a requis 500 euros d'amende le 24 octobre, et dont la décision est attendue pour le 28 novembre. D'autres personnes convoquées par la justice pour les mêmes motifs se font connaître. Benjamin en recense déjà «entre 80 et 90». Parmi eux, Guy Wanderpepen, qui s'est opposé au fichage, lors de sa garde à vue en août, pour avoir fauché un champ d'OGM près d'Orléans. «C'est absurde de demander le prélèvement d'ADN à des gens qui n'ont commis ni crime ni viol», s'insurge cet homme de 72 ans. Sur les trente-deux faucheurs volontaires, qui doivent passer en procès à Orléans les 26 et 27 février, ils sont seize à avoir, comme lui, refusé de donner leur ADN.
«Montée en puissance». Hugo, étudiant de 23 ans, a été condamné à quatre mois avec sursis, pour avoir mis le feu à des poubelles, lors d'une manif anti-CPE. Depuis, la gendarmerie l'appelle pour ficher son ADN. Il refuse, au motif que ces empreintes «gardées quarante ans», peuvent tomber aux mains de «gouvernements totalitaires ultra-répressifs» et cela «peut être dangereux».
A Lille, Xavier Moriceau relaie l'information auprès du collectif de soutien aux étudiants des manifestations anti-CPE. Il prévoit des «campagnes d'affichage dans les universités, des tracts. Et une conférence-débat en janvier sur le fichage génétique». Prochain temps fort de la mobilisation, le procès en appel de Benjamin à Nîmes. En prévision, celui-ci organise plusieurs réunions d'information ce mois-ci : au Vigan, à Montpellier, à Lyon.
Plusieurs organisations le soutiennent : faucheurs volontaires, Ligue des droits de l'homme, la Confédération nationale du travail (CNT), la CGT, les Verts et le Syndicat de la magistrature. Ce dernier dénonce la «montée en puissance» du fichage et le «prélèvement très systématique au stade de la garde à vue». L'avocat de Benjamin, Me Gandini, a, d'ores et déjà, fait savoir qu'en cas de condamnation, son client se pourvoirait en cassation. Et si besoin, devant la Cour européenne des droits de l'homme.
(1)
http://refusadn.free.frC'est vrai que c'est un peu poussé de demander l'adn à des personnes qui n'ont pas commis "d'actes sexuels" (attouchement, exhibition, etc). ça veut dire que la justice présume que tu feras d'autres infractions plus graves.