La burqa, vêtement symbole de l'oppression des femmes sous les talibans, trouve aujourd'hui des adeptes improbables en Afghanistan: Occidentales soucieuses de passer incognito, touristes à la recherche d'un cadeau ou rebelles voulant échapper à la vigilance de la police.
Le vêtement qui engonce, empêche de voir autour de soi et gêne la respiration, reste omniprésent en Afghanistan, même si son port a beaucoup diminué à Kaboul.
Dans sa boutique du principal bazar de la capitale, Waheedullah Najimi reconnaît que les ventes ont baissé de moitié depuis la chute, fin 2001, du régime taliban qui en imposait strictement le port.
Mais il continue à en vendre une vingtaine par jour, dans sa boutique fort bien achalandée en burqas de tous styles, de toutes qualités et de différentes couleurs.
Hangam, 16 ans, vient en acheter une neuve pour après son mariage.
"C'est difficile à porter, c'est dur de respirer mais c'est bien, parce que les hommes ne peuvent pas me voir, personne ne peut voir une quelconque partie de notre corps", dit-elle.
"Si nous ne portons pas la burqa, nous nous sentons toutes nues", renchérit Malalai, 32 ans.
Mais, le vêtement vilipendé en Occident a aussi trouvé des adeptes plus inattendues.
Nombre d'étrangères, journalistes ou employées d'une des nombreuses ONG ou institutions internationales présentes en Afghanistan ont accroché une burqa dans leur penderie.
Une journaliste, dont le domicile s'est retrouvé au coeur des émeutes qui ont ensanglanté Kaboul le 29 mai, a enfilé la sienne et a réussi à échapper à la foule en colère sur le porte-bagage d'un vélo. Impossible de savoir qu'une Occidentale se cachait sous le vêtement plissé.
"La burqa était le moyen le plus sûr de se déplacer dans la ville pendant les émeutes. Un certain nombre de femmes occidentales les ont enfilées pour pouvoir se déplacer incognito de maison en maison", explique la journaliste, qui préfère garder l'anonymat.
Un anonymat qu'il est aussi bon de préserver quand il s'agit de se déplacer dans le sud du pays pour y faire un reportage, comme cela lui arrive régulièrement.
"C'est utile pour la sécurité, parce que, une fois assise dans une voiture, ce n'est pas évident de deviner que vous êtes une étrangère" et donc une proie potentielle pour des rebelles qui fourmillent dans les provinces du sud et prennent les étrangers pour cible, explique t-elle.
Mais le pouvoir de dissimulation de la burqa a ses limites. "Cela saute aux yeux que vous n'êtes pas afghane dès que vous commencez à marcher parce que les étrangères ont une façon différente de se déplacer. Elles ont un pas beaucoup plus affirmé que les femmes afghanes", note cette journaliste.
Une employée d'une organisation d'aide au développement a également une "burqa de secours", mais elle déteste le vêtement.
La burqa "efface tout sentiment d'identité et c'est le vêtement le plus humiliant qui soit. Côté pratique, c'est aussi dangereux parce que votre champ de vision est tellement réduit", dit-elle.
Symbole de l'Afghanistan, la burqa est aussi devenue un cadeau prisé des étrangers qui en achètent une pour leur compagne restée au pays, souvent en guise de boutade.
L'un d'eux en a ramené une à sa petite amie à Londres.
"C'était pour l'embêter, pour la mettre en colère, comme ça je pouvais lui faire un vrai cadeau et la faire fondre", explique t-il.
"Le plus drôle, c'est que cela ne l'a pas mise en colère du tout. Elle l'a essayée tout de suite et a été choquée quand elle s'est rendu compte à quel point il était difficile de respirer et de voir", se souvient t-il.
Les rebelles ante-gouvernementaux ou de simples criminels ont aussi compris les avantages que pouvait présenter la burqa pour échapper à la vigilance des forces de sécurité. La fouille reste un tabou.
Le 16 juillet, trois hommes vêtus de burqa ont abattu deux civils dans l'est de l'Afghanistan, et la police rapporte régulièrement des cas d'hommes ayant dissimulé des armes ou des bombes sous le vêtement. C'est à leur démarche que les policiers les démasquent.